Projet Orénoque

L’Orénoque est en fleuve tentaculaire au Vénézuela, porte d’entrée de la forêt amazonienne. L’orénoque est devenu pour nous une idée, puis un projet.

Après presque une décennie à explorer la fragilité de l’Arctique, l’idée germe petit à petit, comme une jeune pousse. Documenter d’autres facettes fragiles, d’autres éléments charnière de « notre » planète qui ne nous appartient nullement. Nous localisons pour l’instant deux axes de travail: La forêt et le corail. Comme la glace dans l’arctique, la forêt et le corail sont des éléments clés, en voie de transformation/disparition.

Après des années de résidences d’artistes, nous voulons prendre du recul et faire travailler un autre type de regard: celui de l’enfant.

Le regard de l’enfant

(Par Benjamin Ruffieux)

Une anecdote: Durant les années COVID, le Knut ne pouvait pas organiser ses projets habituels, l’association était en hibernation, mais pas le bateau, qui lui réclame des soins de manière constante. Nous (Mélina, Benjamin et nos deux enfants) en avons profité pour habiter sur le bateau durant presque trois ans. Sur une petite et charmante île des Canaries, le hasard à voulu que nos voisins de ponton soient des embarcations tout à fait différentes des voiliers de retraités ou bourlingueurs habituels. Plusieurs fois par semaine de nouveaux bateaux arrivaient, escortés par les garde-côtes. On débarquaient ces voyageurs qui eux voyageaient vraiment, on mettait des couvertures rouges sur les épaules, et pendant des heures ils étaient assis là, face à nous, avant d’être transférés, parqués plus loin. Les embarcations, d’archaïques pirogues en bois, étaient systématiquement sorties de l’eau et détruites.

Je suis photographe de profession et ne savais pas comment réagir à ça. Faire une énième série de migrants hagards qui débarquent en Europe? Que pouvais-je ajouter à ça, comment en faire quelque chose de constructif? J’ai beaucoup appris en regardant comment nos enfants encaissaient cette réalité, qu’il fallait bien entendu leur expliquer. Je retiens une oeuvre extraordinaire, une barque de migrants en Lego faite par Sylvain, qui devait avoir quatre ans à l’époque. Cette barque de migrants en Lego, remplie à ras bord de « bonhommes lego », parlait, hurlait, et valait toutes les installations conceptuelles du monde. Et pour Sylvain il était tout naturel de créer cette barque, afin de digérer ses émotions certainement.

Alors voilà l’expérience: Nous voulons emmener un enfant et un pré-ado sur l’Orénoque, à la voile, et voir ce qui en ressort au niveau créatif. Les adultes (Mélina et moi) feront leur travail d’artistes adultes, tandis que les enfants feront leur travail d’enfants, qui consiste à être artiste…


Nous voulons essayer de remonter ce fleuve et en explorer les recoins, sans l’aide de combustible fossile. Le Knut, voilier d’expédition qui navigue habituellement dans l’Arctique, va nous servir de véhicule et de maison. C’est un voilier-laboratoire, qui repousse depuis plusieurs années les limites de l’exploration sans fuel.
Nous allons partir de Lorient, en Bretagne, pour naviguer jusqu’au Cap Vert avant de traverser l’Atlantique dans les alizés. Ces mêmes alizés devraient nous aider à remonter le fleuve Orénoque. En plus de pénétrer au coeur de la forêt amazonienne, l’Orénoque sert (ou servait) d’habitat aux Waraos, un des plus anciens groupes ethniques ayant préservé sa culture. Mais le delta et ses habitants se fait saccager par l’exploitation du pétrole et de ménerais: Nous allons devoir faire face à cette réalité, mais également chercher l’espoir dans des bras secondaires du fleuve.

Explorer un endroit ravagé par l’exploitation du pétrole sans brûler de pétrole est un acte modeste mais militant. Nous voulons démontrer qu’il existe des alternatives au pétrole, mais que cela implique également une ré-évaluation des objectifs.
Ne voulant pas dépendre de métaux rares tels le lithium, nous sommes en train d’équiper le Knut de batteries sodium-ion, très peu polluantes. La motorisation électrique de notre voilier permet d’effectuer des manoeuvres de port et de mouillage, mais pas de couvrir de distance réelle. Pour avancer nous comptons sur l’alizé.

Calendrier

Départ de Lorient, en Bretagne, en septembre 2026. Transatlantique via Porto Santo (Madeire), les Canaries, le Cap-Vert, à destination de Trinidad. Entrée dans l’Orénoque en janvier 2027 au plus tard, et exploration du Delta durant deux à trois mois, ainsi que passage par l’archipel des San Blas. En mars, le Knut repartira vers ses résidences et voyages de formation « habituels ».

De ce voyage va naître un livre, le tome trois des Carnets de Mer, une exposition, ainsi qu’un cycle de conférences adapté aux écoles.